Le 26 mars dernier, nous avions débuté notre série « Handballeurs en blouse blanche » en donnant la parole à Lucie, infirmière et joueuse de l’équipe loisir. Vous avez été nombreuses et nombreux à lire son témoignage poignant. Nous avons voulu prendre de ses nouvelles trois semaines après notre premier entretien, un peu plus d’un mois après le début du confinement.
1) Comment vas-tu depuis la première interview que nous avons réalisée ? Comment se sont déroulées ces trois semaines pour toi ?
Je suis honnêtement bien bien fatiguée, physiquement, mais surtout moralement… Cela a été très très intense. Le lendemain de notre interview, la vague de patients est arrivée et la charge de travail a fortement augmenté et ce, très rapidement. Nous avons dû demander des renforts infirmiers et aides-soignants, car nous n’étions plus assez pour prendre en charge tous nos patients de réanimation. Ce sont donc les infirmiers de bloc et les infirmiers anesthésistes qui sont venus nous aider, mais là encore c’était difficile puisque la réanimation est une spécialité à part entière. Il a fallu former ces infirmiers et infirmières qui ne connaissaient pas la réanimation. En temps normal, nous avons trois semaines de formation quand nous intégrons le service. Pendant cette crise, les infirmiers étaient doublés une journée… Cela a été donc intense pour eux d’accumuler toutes ces informations en une seule journée et éprouvant pour nous, car en plus d’une charge de travail très importante nous devions former de nouveaux infirmiers.
En plus de cet afflux de patients massif, c’est surtout l’habillage pour l’isolement Covid qui était compliqué puisque nous n’avions pas beaucoup de stocks : nous devions donc être vigilants à notre consommation de masques, charlottes, sur-blouses, etc. Heureusement, suite à un appel aux dons de l’hôpital, nous avons reçu un peu de matériel supplémentaire…
En plus du manque de matériel, nous avons aussi manqué de traitements, les stocks de médicaments utilisés en réanimation ou au bloc étant utilisés plus que la normale, il y a également eu une pénurie des médicaments qui nous permettent de mettre les patients dans des comas artificiels. Nous avons donc dû nous réorganiser et utiliser des molécules différentes et cela ne nous a donc pas simplifié les choses…
Mis à part tous ces points négatifs, il faut avouer qu’à ce jour il y a une amélioration dans le service : quelques-uns de nos patients ont pu sortir de réanimation, nous avons eu quelques décès, mais nous avons réussi à extuber plusieurs patients : c’est ce qui nous pousse à continuer à nous accrocher pour offrir les meilleurs soins à nos patients en cette période de crise sanitaire !
Petite anecdote positive : il y a quelques jours, je travaillais de nuit et j’avais donc un peu plus de temps libre, j’ai aidé un de mes patients qui avait été extubé la veille, après deux semaines endormi, à faire un appel vidéo avec sa femme qui ne l’avait ni vu ni entendu depuis au minimum deux semaines… et je dois avouer que c’était assez émouvant de les voir se retrouver.
2) As-tu eu des retours suite à ton premier témoignage ?
Oui quelques-uns ! Des petits mots de mes proches me souhaitant du courage ! Cela m’a remonté un peu le moral !
3) As-tu pu observer les résultats du confinement sur ta mission au quotidien ?
Je pense que oui. Durant les deux premières semaines, la charge de travail était intense et nous effectuions beaucoup d’entrées. Depuis une semaine, la charge de travail s’allège, les patients sortent de réanimation et leur chambre n’est pas immédiatement de nouveau occupée. Donc, oui nous avons l’impression que cela commence à faire son effet et heureusement…
Notre activité de réanimation polyvalente ne s’est toutefois pas arrêtée non plus : nous avons donc toujours autant de patients, mais il y a moins d’entrées pour des patients suspects Covid.
Il est juste un peu difficile pour nous de voir qu’il y a encore beaucoup de monde qui se balade à l’extérieur et qui ne respecte pas les règles du confinement…
4) En tant qu’infirmière et handballeuse, que penses-tu des deux initiatives lancées par les deux gardiens de but internationaux Vincent Gérard et Cyril Dumoulin ?
Je trouve que c’est une super idée ! C’est une bonne action qui fera plaisir aux handballeurs passionnés qui pourront acheter des maillots (ou autres) et qui, par la même occasion, permet de récolter des fonds ! Des initiatives comme celles-ci sont vraiment géniales ! Si cela peut aider des collègues en manque de matériel ou autre, c’est vraiment bien !
NDLR : La vente aux enchères lancée par Vincent Gérard en lien avec la Team Adidas a permis au final de récolter 107 730 euros. L’initiative organisée par Cyril Dumoulin a déjà atteint plus de 100 000 euros au 17 avril et se poursuit.
Mille mercis Lucie d’avoir à nouveau pris du temps pour nous donner de tes nouvelles. Nous t’envoyons toutes nos pensées et nous te souhaitons à nouveau bon courage pour les prochaines semaines.