Portrait de Lucie
Pendant cette période si particulière que nous vivons actuellement, nous avons souhaité interroger des licencié(e)s du Villeurbanne Handball, qui exercent la profession d’infirmier/ière, profession qui est en première ligne face à la crise sanitaire que traversent la France et de nombreux autres pays dans le monde depuis plusieurs semaines. Nous voulons les mettre en lumière en leur donnant la parole, car c’est bien plus qu’un match que jouent les personnels soignants face au Coronavirus !
Nous commençons cette série d’interviews avec le portrait de Lucie*, joueuse loisir du VHA.
* Nous ne citerons volontairement pas les noms de famille des personnes que nous interrogerons.
1) Lucie, peux-tu tout d’abord te présenter en quelques mots ?
J’ai 21 ans et je suis infirmière diplômée d’État depuis juillet 2019. Je suis inscrite au VHA depuis trois ans dans la section loisir sans compétition. Je travaille depuis huit mois en service de réanimation dans un hôpital privé à but non lucratif de l’agglomération lyonnaise. Mon roulement est organisé en journées de 12 heures et je suis également en alternance jour et nuit. Je suis donc amenée à travailler de 7 heures à 19 heures ou de 19 heures à 7 heures.
2) Comment te sens-tu actuellement, quelques semaines après le début de cette crise sanitaire ?
Malheureusement, je suis déjà un peu fatiguée. Depuis mardi, j’ai été obligée d’aller vivre en colocation avec un de mes collègues, car, dans le cadre de notre travail, nous avons été amenés à être en contact avec un patient positif au COVID 19 et nous n’avions malheureusement pas de protections.
Comment cela est-il possible ? Dans notre service de réanimation, nous sommes appelés dès lors qu’il y a un arrêt cardiaque dans l’hôpital. Ce lundi, mon collègue et moi nous sommes allés tenter de réanimer un patient en arrêt cardiorespiratoire aux urgences. Nous ne savions pas que ce monsieur était positif au COVID et nous avons donc été exposés quelques minutes sans masques : nous, les infirmiers des urgences, l’interne et notre réanimateur.
Les résultats sont revenus positifs au COVID 19 mardi. Nous devons donc porter un masque chirurgical pendant 14 jours, prendre notre température deux fois par jour pour éviter de contaminer d’autres personnes, si nous venions à développer des symptômes. Malgré cela, nous continuons tous de travailler.
J’ai dû me loger ailleurs que chez moi par peur de contaminer mes parents avec qui je vis au quotidien…
C’est une explication de ce qui pourrait causer ma fatigue. Cependant, nous savons tous que ce n’est que le début de l’épidémie, donc nous nous reposons autant que possible pendant nos jours de repos afin d’avoir un maximum de forces pour affronter les jours qui vont arriver.
Ce qui est difficile, c’est de voir tous ces gens dans la rue qui se baladent et prennent l’air tandis que nous nous préparons à vivre une des plus grandes crises sanitaires de l’histoire.
3) Qu’est-ce qui est le plus difficile à vivre dans un contexte comme celui-ci par rapport à votre quotidien de travail ?
Ce qui est dur, c’est de suivre le rythme du flot d’informations que nous recevons concernant le virus. En effet, nous recevons presque tous les jours une nouvelle procédure de prise en charge des patients COVID 19. Il est parfois difficile de suivre l’évolution, mais nous n’avons pas le choix, personne ne connaît ce virus : nous devons donc nous adapter chaque jour en fonction des informations que nous avons.
C’est également dur psychologiquement de nous dire que nous sommes exposés quotidiennement à ce virus qui a contaminé tant de personnes dans le monde… Nous rationnons drastiquement nos protections et évitons au maximum de les gaspiller, car nous savons qu’un jour nous viendrons à manquer. Alors nous repoussons ce jour au maximum, le temps de trouver des solutions et de renflouer les stocks de masques, de sur-blouses, etc…
Notre charge de travail a elle aussi augmenté puisque nous sommes passés de 12 lits de réanimation à 20 lits. Nous devons donc augmenter le quota d’infirmiers et d’aides-soignants présents jour et nuit pour prendre en charge ces patients.
A ce jour, nous avons donc huit lits de réanimation polyvalente qui sont généralement pleins, parce que, malgré le COVID, les gens n’arrêtent pas pour autant d’être malades. Et donc 12 lits de réanimation COVID qui ne sont pas tous occupés, mais qui ne devraient pas tarder de l’être… Nos équipes ont été renforcées par les infirmiers de bloc et les infirmiers anesthésistes pour pallier le manque d’infirmiers et d’aides-soignants.
4) Comment ressens-tu les marques de soutien de la population qui se mobilise tous les soirs aux fenêtres pour applaudir et remercier le personnel soignant ?
Cela me fait énormément plaisir et cela me donne même des petits frissons, voire même la larme à l’œil, quand je rentre d’une journée difficile et que je vois que nous avons du soutien. Je pense également à toutes les personnes qui continuent de travailler parfois en n’étant pas protégées comme le personnel des supermarchés, les policiers, les pompiers, les livreurs et j’en oublie tant d’autres…
J’espère juste qu’une fois la crise passée ce soutien ne s’arrêtera pas et qu’on entendra enfin que le monde hospitalier est en souffrance et que nous avons besoin d’aide. Peut-être que cette crise va permettre à l’État d’ouvrir les yeux sur la nécessité de faire quelque chose pour le monde hospitalier (augmentation du nombre de personnels, revalorisation des salaires, hausse des moyens pour l’hôpital, etc…).
5) Et le hand, il ne te manque pas trop pendant cette période ?
A vrai dire, il m’était déjà difficile d’y aller régulièrement avec le rythme jour/nuit :-), mais il est vrai que cela pourrait me faire du bien de courir et de me dépenser pour éliminer tout ce stress et cette pression qui pèsent sur nos épaules à tous… et puis, surtout, je commence à m’engraisser 🙂
En tout cas, merci à tous ceux qui nous applaudissent ou qui nous montrent leur soutien par des petits messages, cela fait chaud au cœur ! La seule chose que nous vous demandons en contrepartie c’est de rester chez vous. Même si c’est dur, c’est le seul moyen pour ralentir l’épidémie et éviter la saturation des lits de réanimation. Cela nous évitera peut-être d’avoir à choisir entre deux patients, lequel aura le droit de bénéficier d’une assistance respiratoire…
Merci Lucie d’avoir consacré de ton précieux temps pour répondre aussi longuement à ces quelques questions. Bon courage à toi pour les jours et les semaines à venir. Le VHA est de tout coeur avec toi et adresse tout son soutien aux personnels soignants et à l’ensemble des professions mobilisées pendant cette période.